La prudence est, selon Saint Antoine : « la reine de toutes les vertus parce qu’elle est leur guide et leur maîtresse, et en même temps leur unique sauvegarde. » En effet, la prudence est indispensable pour trouver Dieu et pour le garder une fois trouvé, car il y a beaucoup d’ennemis à renverser, des fatigues à essuyer, des ténèbres à dissiper, des erreurs à rejeter, des ruses à déjouer et des écueils à traverser.
Connaître la vertu de prudence est une grâce à vivre au quotidien et nous allons essayer de l’aborder avec sagesse, puis nous découvrirons comment Marie l’a pratiquée dans sa vie, et enfin nous essaierons d’imiter Marie qui l’a vécue toute sa vie à la suite du Christ son divin Fils.

La vertu de prudence doit être au cœur de la vie chrétienne
Cette vertu se doit de diriger toutes nos forces intérieures puissantes pouvant nous conduire à la ruine ou au salut, selon qu’elles sont dirigées vers le bien ou vers le mal, vers le droit chemin ou vers le précipice. Sans cette vertu indispensable, le chrétien est infailliblement perdu. Emporté par ses instincts pervers qu’il ne saura prévoir, ni dominer à temps, il tombera peu à peu dans le désordre, la confusion et l’erreur.
Tout imprudent est un être aveugle selon Aristote et Sophocle, et ils avaient raison. Et pour le chrétien c’est encore plus vrai car il s’agit de garder en nous les trésors des Vertus théologales, de la Vérité évangélique et des Sacrements pour atteindre la sainteté que les athées ne peuvent connaître sans la Révélation.
Pour Saint Thomas d’Aquin, il y a deux vertus qui nous conduisent à imiter la beauté divine : la prudence et la tempérance ; mais la tempérance sert et aide la prudence dans son action. C’est la prudence qui toujours tournée vers le but suprême, ordonne à la tempérance d’écarter tout ce qui pourrait lui faire obstacle.
Et pour Cicéron, la prudence consiste à bien régler le présent, à se souvenir du passé et à prévoir l’avenir. En définitive, la prudence avait pour but d’aider l’homme à conformer tous ses actes à la raison, sa raison à la volonté et non à ses instincts ; et enfin sa volonté à la règle divine. Cicéron avait déjà compris l’idéal de la prudence chrétienne.
Dieu le Père avait dotée Marie, de toutes les vertus et qualités pour être la Mère de son Fils. Marie est la fille du Père, la mère du Fils et l’épouse du Saint Esprit. Et pour avoir de telles relations avec la Sainte Trinité, les trois personnes divines exigeaient pour elle des dons merveilleux et absolument divins. Mais avant d’être la Mère du Sauveur, elle fut l’humble Vierge de Jérusalem et de Nazareth, et avant de nous révéler toutes ces qualités qui sont des dons divins, elle saura nous montrer cette admirable vertu de prudence, qui après lui avoir préparé et mérité ses sublimes destinées, resplendira de plus en plus dans toutes les phases de sa vie terrestre.
Si la prudence est l’œil de la vie chargé d’éclairer la route qui mène au but que l’homme s’est fixé, il est important que l’homme recherchant un idéal de bonheur personnel, pense que cet idéal se situe plus dans son cœur que dans son intelligence.
Et Jésus nous le dit : « Là où est ton trésor, là sera aussi ton cœur. » (Mt 6, 21) et pour acquérir et garder ce trésor, le cœur fera tout. Mais c’est vers ce but que sera tourné obstinément l’œil de toute sa vie. Nous comprenons maintenant qu’il y a deux sortes de prudence : la prudence surnaturelle qui est la seule vraie sagesse venant de Dieu et menant à lui, et la fausse prudence humaine qui n’est que folie criminelle procédant du péché et conduisant au mal. On appelle cette folie, prudence, selon Saint Thomas d’Aquin, par comparaison, parce que c’est elle qui cherche et combine les moyens qui conduisent à une fin mauvaise ; telle est la prudence de nos modernes publicains qui, avec un vrai génie, opèrent des razzias formidables, tout en restant inattaquables, celle de l’avare qui partant de ruses et d’efforts, finit par augmenter démesurément son trésor ; celle du libertin qui veut séduire par tant d’artifices ; de l’ambitieux qui veut dominer ; du politique qui vendu à Satan, emploie toute son intelligence et son pouvoir à déchristianiser des nations entières.
La première prudence surnaturelle est la vraie lumière de Dieu, celle qui jaillit de lui sur tout ce qu’il crée et ce qu’il regarde avec amour ; la seconde est la fausse lumière de Satan éclairant toute raison séparée de Dieu, comme de la réverbération de sa haine et de sa perversité. Cette fausse lumière devient la règle des orgueilleux que Satan domine et dirige pour opérer son œuvre de perdition.
La prudence surnaturelle est celle recommandée par Jésus dans l’évangile : « Soyez prudents comme les serpents et candides comme les colombes. » (Mt 10, 10). Telle est la prudence du serpent employée à sauver l’innocence de la colombe, à préserver de toute séduction l’œil pur, de son intention tout entière tendue vers Dieu, et à lui garder la liberté complète de ses ailes blanches qui désirent l’emporter d’un vol de plus en plus rapide vers le Ciel. L’autre est la prudence du serpent tout seul qui condamnée à ramper comme lui sur le sol, ne sait qu’y dresser ses pièges et mordre pour empoisonner ou dépouiller tous ceux qu’il peut approcher.
La guerre se fera entre ces deux prudences. Celle des vierges folles qui suivront Satan et celle des vierges sages qui suivront Marie et que protégées par elle, le démon ne pourra pas atteindre.
La première prudence est celle des enfants de lumière et mène droit au Ciel ; l’autre est celle des enfants des ténèbres et mène droit en enfer. La prudence surnaturelle est mère de l’ordre et du vrai progrès, l’autre est mère de la décadence et de l’anarchie. Il y aura toujours un abîme entre Caïn et Abel, Lazare et le mauvais riche, Néron et Saint Constantin le Grand, entre Saint Vincent de Paul et Voltaire.
Quelle fin attend la fausse prudence : « J’ai vu l’impie forcené s’élever comme un cèdre du Liban, je suis passé, et voici qu’il n’était déjà plus. » (Ps 37, 34-35)
Voilà la joie de celui qui vit dans la prudence de Dieu parce qu’il demeure dans sa lumière et Jésus nous le dit : « Si quelqu’un marche le jour, il ne bute pas parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais s’il marche dans la nuit, il bute parce que la lumière n’est pas en lui. » (Jn 11, 9-10)
Et pour clore sur la grandeur de la vraie prudence, le chrétien comprend qu’il ne peut faire triompher en lui l’homme spirituel que s’il parvient à vaincre l’homme animal, en lui faisant une guerre incessante. L’amour divin qui possède son cœur est son vrai trésor, il le sent ; et pour le conserver, il regarde sans cesse vers Celui qui est son bonheur, s’appuyant d’une main sur la tempérance à l’aide de laquelle il écarte tout obstacle, de l’autre sur la patience pour résister à toute attaque de l’ennemi. Il avance ainsi vers son but avec courage et beaucoup d’efforts auxquels s’ajoutent de plus en plus des grâces de choix, ce qui lui permet de s’ancrer dans une belle liberté qui fait de lui un être impassible, agile et subtil et qui lui communique un avant-goût de la Vie glorieuse. Il vit déjà de l’éternité anticipée.
Découvrons maintenant comment la Vierge Marie a pratiqué la prudence surnaturelle dans sa vie, devenant pour nous un parfait exemple.

La Vierge Marie est le modèle parfait de la prudence chrétienne
Marie est le sublime idéal à vivre parce qu’elle a su toute sa vie demeurer dans cette prudence éclairée par l’esprit de Dieu qu’elle possédait dans son immaculée conception.
Pour nous inciter à avoir une idée juste de la prudence, Jésus a consacré ses plus belles paraboles : celle du trésor dans le champ et de la perle sont significatives : « Le Royaume des Cieux est encore semblable à un négociant en quête de perles fines ; en ayant trouvé une de grand prix, il vend tout ce qu’il a pour l’acheter. » (Mt 13, 45-46)
Qui est ce négociant, c’est tout homme vivant sur terre qui s’empresse de rechercher ces pierres précieuses avec une ardeur infatigable et il les achète les unes après les autres, au prix de tout ce qu’il a de meilleur, parce qu’avec cela, il croit trouver la pleine satisfaction de tout son être ; mais quand le savant après tant de veilles, l’ambitieux après tant d’intrigues, l’avare après tant de fatigues, le passionné du plaisir après tant de bassesses, de ruses, et de trahisons, s’aperçoit que son cœur est vide et que tout ce qu’il a acheté ne sont que des fausses perles en comparaison de ce qu’il les croyait être, mais lorsque cet homme trouve la vraie et l’unique perle, celle devant laquelle les autres sont mensonge et supercherie, alors dit Jésus, il vend tous ses biens pour l’acquérir. En effet, pour posséder cette perle unique, il faut vendre ses fausses joies, ses fausses richesses, ses faux avantages, il faut se dépouiller de tout pour la mériter. Cette perle qui a un prix infini, est le Christ : ce Rayon substantiel du Père céleste, Centre de toute lumière, de toute gloire comme de toute vie. Il a été formé et rendu visible et tangible du sein virginal de Marie et du Saint Esprit, réalisant ainsi la perle unique, éclatante de blancheur par l’innocence et la sainteté de sa vie, étincelante et limpide par les exemples et maximes de sagesse, parfaitement ronde par sa vertu parfaite, pesant le poids exact de la conscience divine, doué d’un poli admirable par sa douceur exquise, lui attirant tous les cœurs, et enfin possédant une valeur infinie comme prix du Ciel et de la Rédemption.
La Vierge Marie est la mère de la prudence chrétienne qu’elle a trouvée, la première, comme elle a trouvé la grâce ; elle en est la mère, l’idéal et la forme créés, comme elle est la mère, l’idéal et la forme créés de son divin Fils Jésus, la perle unique, le vrai trésor des âmes et des corps.
Marie a mis en pratique cette belle vertu durant toute sa vie parce qu’elle n’en est pas seulement la mère, elle en est le plus parfait modèle.
Remplie de toute la plénitude de grâce dès sa conception comme du parfait usage de la raison selon les Pères de l’Église, Marie apparaît aux yeux de Dieu et des anges comme la merveille incomparable ; les anges la vénèrent et Dieu lui ouvre son cœur comme à la mère de son Fils.
Dès qu’elle a conscience d’elle-même, Marie adore son Créateur et se proclame sa très humble servante : c’est son premier acte de prudence. Elle ignore son avenir sublime, mais elle vit son devoir de créature et adore profondément cette beauté et bonté divine à qui elle voue déjà pour toujours son âme et son corps et toutes ses puissances. Par cet acte d’adoration, elle rendit à Dieu plus d’honneur et de gloire que tous les anges et les hommes pourront lui en rendre à jamais, parce que Dieu voyait déjà en elle son Christ dont elle était la digne Mère. C’était la mère de son Fils qui l’adorait mais aussi la reine et la mère de toute la création angélique et humaine.
A 3 ans, Marie si parfaite abandonne les affections légitimes, les espérances les plus chères et dans un suprême acte de prudence chrétienne, elle quitte tout et s’immole à lui par le vœu de virginité et le renoncement à tous les plaisirs et joies du monde.
A sa présentation au Temple, elle se voue plus encore volontairement et éternellement pour être à Dieu sa pure victime dans laquelle elle perçoit sa grande victime du Calvaire dont elle sera bientôt la mère.
Encore enfant, elle développe sous l’Esprit Saint la foi au Messie, qu’elle sait venir bientôt, l’humilité, la pureté, la charité, l’obéissance et la chasteté la plus parfaite. La Sainte Trinité emploie toute sa puissance avec celle qui est la fille du Père, la mère du Fils, et l’épouse du Saint Esprit. Elle quittera le Temple pour épouser Joseph et elle respecte sans mot dire, le secret de son Époux divin. Sa confiance égale son amour pour lui. Elle laisse agir celui à qui elle a voué son cœur. La prudence lui apprend que l’obéissance est le droit chemin, sachant qu’obéir c’est faire la volonté de Dieu. Elle suit alors ce chemin royal sans défaillance et sans crainte.
Unie à Joseph, Marie fait confiance à Dieu qui lui a préparé un époux pour la Vierge Mère. Comme elle, Joseph a compris le secret de l’amour divin ; il s’est immolé depuis longtemps et consacré à la sagesse éternelle, et il n’a qu’une passion et qu’un idéal : plaire à Dieu. L’obéissance n’a pas trompé l’espérance de Marie. Ils sont unis par le même amour divin et par l’amour des mêmes vertus.
A l’Annonciation, l’ange Gabriel lui annonce qu’elle sera la Mère du Sauveur, de Dieu Verbe éternel, et elle devra un jour poser la couronne du Sauveur, d’Emmanuel et du Roi souverain sur la tête de son divin Fils car ce n’est qu’à son Fils qu’elle est promise.
Mais Marie écoute l’ange et elle voit et entend tout. Elle est la Vierge très prudente et ce qu’elle sait et voit avant tout, c’est que le bon plaisir de Dieu est qu’elle garde avant tout son vœu de virginité, parce qu’elle est vierge et elle est l’épouse de Dieu avant d’être sa Mère. Sa réponse à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais point d’homme » est l’expression la plus sage de la prudence chrétienne. Elle pense que le Dieu qui a accepté l’offrande de sa virginité ne peut pas la condamner à la perdre et le Prophète Isaïe dira : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un Fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Es 7, 14)
Ô admirable prudence de Marie, elle attend la réponse de l’ange qui sera conforme à la sainteté de Dieu et à ses prophéties : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre et l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » (Lc 1, 35)
Alors Marie accepte le dessein divin et répond à l’ange par un fiat d’amour : « Voici l’humble servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » (Lc 1, 38)
La prudence de Marie se manifeste encore dans son silence envers Joseph parce que c’est le secret de Dieu. Le Père a caché en elle sa perle et son trésor, à lui seul de le découvrir. Elle conserve en son cœur ce divin secret et voyant le trouble de Joseph, sa défaillance et son anxiété, elle se tait et attend que Dieu parle. S’il se tait, pourquoi parlerait-elle ?
Dieu parle par l’ange à Joseph qui retrouve la paix et adore en Marie son Créateur et son Sauveur.
Après Joseph, elle visite Jean Baptiste, Élisabeth et Zacharie qui lui rendent l’honneur qui lui revient comme la Mère de leur Dieu.
Son Magnificat est un chant révélant sa prudence où elle chante ses gloires comme les miséricordes de Dieu mais elle s’efface pour grandir Dieu et exalter Celui qu’elle porte en elle.
A Bethléem son silence à la crèche est éloquent, les anges chantent la gloire de Dieu et les bergers et les mages se prosternent à ses pieds. Marie ne voit que son Fils ; humble servante, elle se tait et pourtant son grand ministère commence à la crèche, et il est d’offrir et de donner Jésus à tous les cœurs purs qui ont faim et soif de lui.
Marie se tait quand Jésus la soumet au joug de la Purification légale nécessaire aux pécheurs, alors que lui Dieu n’en avait pas besoin.
Marie se tait quand Siméon lui annonce qu’un glaive de douleur transpercera son cœur de mère. Elle se tait et prudente, elle suit Joseph qui l’invite à fuir en Égypte pour sauver l’enfant.
Marie écoute Jésus qu’elle porte dans ses bras et vit parfaitement le proverbe 10, 19 : « Celui qui est modéré dans ses paroles est très prudent. »
Dieu qu’elle connaît si bien n’a-t-il pas gardé le silence pendant toute son éternité se reposant dans la contemplation et la puissance de sa sagesse.
Son Fils lui-même qui est la Parole vivante, gardera pendant 30 ans le silence avant de commencer sa vie publique en Palestine. Si Marie est tellement silencieuse, c’est parce qu’elle est la Vierge très prudente et le modèle achevé de la prudence chrétienne.
Dans l’évangile, Marie, la Vierge très prudente n’a parlé que quatre fois. Mais ce fut à chaque fois pour opérer des prodiges divins.
• Elle parla avec l’archange Gabriel et le fruit de sa conversation est l’incarnation du Fils de Dieu en elle en vue de la Rédemption.
• Quand elle rend visite à Élisabeth, sa parole apporte la grâce de la sanctification à Jean Baptiste, en même temps que l’usage de la raison et le premier exercice de sa mission de précurseur qui est de saluer son Sauveur. Marie apporte à Élisabeth et à Zacharie la connaissance du grand mystère du salut et l’esprit de prophétie, et pour Zacharie la guérison de son infirmité.
• Elle retrouve son Fils au Temple et lui révèle le trop plein de son cœur : « Mon fils pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois, ton père et moi, nous te cherchions angoissés. » (Lc 2, 48) Marie ne peut vivre sans Celui qui est sa vie et son bonheur. Et le fruit de cette parole est la soumission de Jésus à ses parents jusqu’à 30 ans.
• Aux Noces de Cana, sa parole « Ils n’ont plus de vin » (Jn 2, 3) détermine son Fils à avancer l’heure de la manifestation de sa divinité à ses apôtres par le miracle, et en même temps, elle vient en aide aux pauvres époux qu’elle aime. Son attitude après la réponse de Jésus est de dire aux serviteurs : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » (Jn 2, 5), ce qui reflète sa confiance en Jésus et la certitude qu’il accomplira son premier miracle par amour de sa mère et des jeunes mariés qu’il ne veut pas laisser dans l’embarras et la honte de ne pas savoir prévoir pour le bien de tous. Par sa prière, elle nous apprend que Jésus change l’eau en vin, comme plus tard le vin sera changé en son sang pour alimenter toutes les âmes appelées à être les fiancées et les épouses de Jésus.

Après cela, Marie ne parlera plus. Mais elle voit tout et entend tout : les cris de reconnaissance des êtres guéris ou ressuscités par son Fils et les cris de fureur et de haine de ses bourreaux. Marie n’a jamais cessé d’aimer et l’amour est sa prudence, c’est la règle de sa vie et aussi le soutien de ces longues années passées avec ses apôtres, mais loin de la présence sensible de Jésus.
Quand vient l’heure de sa mort, c’est son dernier et suprême acte de prudence, car c’est son dernier acte d’amour. Elle remet son âme à son Père, son Époux et son Fils, après lequel elle a tant soupiré et pour lequel elle a tant souffert. Marie meurt comme son Fils est mort, martyre de l’amour, pour lui ressembler dans la mort comme elle lui a ressemblé dans la vie.

Comment imiter la prudence de la Vierge Marie ?
Pour bien imiter la prudence de Marie, il faut se rappeler la parabole des dix vierges folles et des dix vierges sages ou prudentes de l’Évangile. Les vierges représentent l’ensemble des âmes éclairées du flambeau de la foi reçu dans le baptême ; la moitié de ces vierges appelées à l’union éternelle avec Jésus est folle, et l’autre moitié est prudente. Les vierges folles ne suivent plus les préceptes de la foi et peu à peu la charité, qui est comme l’huile de cette lampe divine, s’épuise, attendu que leur foi sans la charité est une foi morte, ne pouvant plus rien produire.
Les vierges prudentes sont toujours empressées à alimenter leur âme par la charité, la pratique des dix commandements et des conseils évangéliques. Ainsi elles ont toujours leur lampe allumée et sont prêtes à tout instant à recevoir l’Époux divin qui viendra les chercher pour les admettre aux épousailles de l’éternité où Dieu ne reçoit que les âmes lumineuses.
Hélas ! un grand nombre d’entre elles s’assoupit en attendant l’Époux de l’éternité qui semble retarder sa venue. Parmi ces vierges folles, il y en a qui dorment tellement profondément qu’elles n’entendent, ne voient et ne sentent plus rien. Quand soudain au milieu de la nuit, l’Époux arrive et en cet instant suprême qui ne se renouvellera plus jamais, aucune d’elles ne dort encore du vrai sommeil de la mort éternelle, toutes réveillées, elles cherchent la lampe de leur baptême pour s’offrir au regard de Dieu. Mais beaucoup s’aperçoivent qu’elle est éteinte car il n’y a plus d’huile dans la lampe. Où en trouver pour la rallumer ? On se hâte, on va chercher les vendeurs d’huile : ceux qui avec les sacrements de Pénitence et de l’Eucharistie peuvent réapprovisionner les lampes.
Pendant qu’on court après ces pourvoyeurs d’huile, l’Époux est arrivé ; il est trop tard. Les vierges prudentes et sages se réfugient dans ses bras, les autres imprudentes lui sont étrangères pour l’éternité. Leur désolation et souffrance seront éternelles. Voilà l’histoire malheureuse d’un grand nombre d’âmes baptisées qui, avec la foi, ont reçu la grâce sanctifiante de Jésus et l’ont perdue.
La conclusion à en tirer est que pour sauver son âme, il faut non seulement ne pas s’endormir dans l’indifférence et l’oubli de la loi divine, mais encore et surtout ne pas se laisser aller à la somnolence des chrétiens peu fervents et peu pratiquants ou tièdes qui font tout pour être heureux sur terre, mais si peu pour vivre un bonheur éternel au Ciel que l’on croirait à les voir, qu’ils ne sont guère éveillés à cette parole de Jésus : « Veillez donc, car vous ne connaissez ni le jour, ni l’heure. » (Mt 25, 13) ou encore à celle-ci : « Celui qui aura persévéré jusqu’au bout, celui-là sera sauvé. » (Mt 24, 13)
Si Dieu veut nous sauver, il ne peut pas le faire malgré nous, c’est pourquoi il ne faut jamais attendre la dernière minute pour demander grâce, parce que notre négligence et notre mépris obstiné de la bonté divine peuvent causer notre perte éternelle.
Rappelons-nous les mots de Saint Augustin : « Quand tu pouvais, tu ne voulais pas, et lorsque tu voudras, tu ne pourras plus. »
La première condition de la prudence chrétienne est d’avoir toujours brillant dans son âme, cette flamme de la charité qui seule nous rend présentable ou acceptable devant Dieu. Pour cela, il faut être sans cesse vigilant. Il faut non seulement ne pas s’endormir dans le péché, mais encore éviter le plus possible cette somnolence qui est le résultat de la tiédeur, parce que Jésus réchauffe les froids, accueille les cœurs chauds de son amour, mais concernant les tièdes, il nous dit : « Puisque te voilà tiède, ni chaud, ni froid, je vais te vomir de ma bouche. » (Ap 3, 16)
La seconde condition de la prudence chrétienne est de prévoir tous les obstacles, toutes les ruses du démon qui pourront se faire se briser ou éteindre peu à peu la lampe de l’amour fraternel en nous.
Écoutez Saint Pierre : « Soyez sobres, veillez. Votre partie adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. » (1 P 5, 8)
« Gardez en vous mes frères, comme défense intérieure, la sobriété et la continence. Et soyez toujours éveillé en gardant les yeux fixés sur tous les points d’où peut surgir l’ennemi de votre âme. Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation, l’esprit est prompt mais la chair est faible. » (Mt 26, 41) Protégez-vous du mal en évitant les tentations, c’est la meilleure prudence.
La troisième condition de la prudence chrétienne, est celle de Saint Antoine, ce Père du désert qui sut résister au démon. Pour cela il faut augmenter de plus en plus son amour de Jésus et de Marie : « Satan, selon Saint Antoine, ne craint rien tant que ceux dans lesquels il voit flamber et resplendir cet ardent amour de Jésus et de Marie. »
Imitez les grands saints : Saint Bernard, Saint Augustin, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Sainte Bernadette, Sainte Thérèse de Lisieux, Sainte Jeanne d’Arc, qui ont tous imité la Vierge Marie, et vous serez des chrétiens prudents.
La prière, la méditation de l’évangile, la confession régulière et l’Eucharistie fréquente vous aideront à mieux aimer Jésus, Marie et Joseph, et avec eux vous serez défendus du mal et vivrez dans la prudence des saints.

Prions Marie qui défait les nœuds de nous donner sa prudence de Mère des hommes et de nous garder du mal et de toute tentation qui pourrait éteindre notre lampe et nous empêcher d’accueillir son Fils quand il viendra nous chercher pour partager son amour et sa gloire éternelle. Amen

Père François Zannini

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