On peut se poser la question : Pourquoi Dieu qui se suffit à lui-même avait-il besoin de créer l’univers et l’humanité pour le remplir ? Ce qui suffit à la gloire et à la toute-puissance divine aurait manqué à l’Amour qui se donne et veut se partager pour apprendre à tout homme à vivre naturellement et surnaturellement, dans la perfection de l’amour. En fait, nous allons voir que tout fut créé pour l’homme et l’homme pour Dieu. Et comme Dieu est Amour, il voulut créer le monde pour Marie et Marie pour son divin Fils engendré et non créé, pour sauver le monde ayant désobéi à la sagesse et à l’amour du Père.

Le plan d’amour du Père éternel
Il ne peut y avoir en Dieu ni succession, ni imprévu car tout dépend de lui et tout repose sur lui. Il fit des créatures intelligentes, libres et indépendantes en les élevant jusqu’à sa hauteur en quelque sorte puisqu’elles sont créées à son image et à sa ressemblance. Il leur offrit l’immense avantage de pouvoir mériter son estime et son amour. Il voulait dire à chacune de ses créatures : « Je t’aime tant que je t’ai donné la vie. Je t’ai aimée de toute éternité et j’ai toujours pensé à toi et je t’ai conçue dans ma pensée, te préparant à tes sublimes destinées. Je désire que tu me donnes ton cœur et je te donnerai le mien à jamais. »

La réponse des créatures libres sera : « Pourquoi sommes-nous indépendants ? Qui nous dit que c’est toi l’auteur de notre existence et qui nous prouve que tu nous aimes ? L’homme orgueilleux dira : « Puisque je suis indépendant dans ma volonté, je veux me suffire à moi-même. Retire-toi, je n’ai pas besoin de ton amour. »
En se révoltant contre Dieu et les droits divins, l’homme commet un crime abominable. Il se trompe et s’abuse si, en posant ainsi devant Dieu, entre lui et la créature qu’il est, des barrières apparemment infranchissables, il croit pouvoir détourner Dieu du but qu’il s’est proposé, et l’empêcher de le réaliser.
Quoique l’homme dise et fasse, Dieu saura le dominer et le diriger dans son sens parce que sa Providence souveraine est efficace et saura malgré les refus humains assurer le triomphe de la volonté divine. Et celle-ci veut le salut de l’homme, que Dieu aime plus que lui-même. Mais, dans sa liberté, Dieu laisse le choix à l’homme de le reconnaître, l’aimer ou de se perdre en le niant et en refusant de l’aimer.
À la suite de la révolte des anges rebelles, saint Michel dira aux démons, puis aux hommes : « Qui est comme Dieu ? » Et ce bel argument les confond et les précipite dans l’abîme hors et loin de Dieu. Cependant après la révolte des anges rebelles et le péché originel des hommes, Dieu continue son œuvre et atteindra son but.

La Création chante la gloire et la grandeur de Dieu
Dieu voulait dans la Création sa gloire assurément et le bonheur des créatures, mais sa gloire d’abord et avant tout sinon il ne serait pas Dieu. Dieu est essentiellement Gloire comme il est par essence le Vrai, le Beau et le Bien parce que la gloire divine n’est que le rejaillissement naturel de toutes ces grandes choses ; rien n’est vrai, rien n’est beau, rien n’est bien que Lui et c’est parce qu’il est la Sainteté même qu’il s’aime infiniment et qu’en s’aimant, il aime et veut sa gloire, dans la proportion qu’il aime le vrai, le beau et le bien qu’il sait être lui-même. Pour ne pas s’aimer ainsi, il faudrait qu’il soit comme les pécheurs, ami de l’iniquité, et cela est impossible. Jésus le disait aux pécheurs de son temps : « Vous me déshonorez et c’est là votre péché parce que c’est votre injustice ; moi, j’honore mon Père et je ne cherche que sa gloire car je suis le digne Fils de mon Père. » (Jn 8, 41)
La fin suprême de Dieu dans sa création est sa gloire c’est-à-dire la gloire de cette vérité, de cette beauté et de cette bonté et sagesse suprêmes qu’il est et qu’il découvrait à ceux qu’il aima éternellement : toute créature. En fait, toute la création par sa beauté et ses merveilles à contempler sont l’œuvre de Dieu, qui voulut un monde parfait pour accueillir nos premiers parents : Adam et Ève qui devaient organiser ce monde par leur travail et gérer cet univers en se multipliant dans l’ordre de l’amour et de l’humilité et en obéissant librement à l’ordre divin de ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
En Adam se trouvait le Christ en germe et en Ève Marie parce que Dieu savait que son œuvre n’était pas encore parfaitement accomplie. Elle le sera dans le jugement prononcé sur la tête de Jésus sortant des eaux du Jourdain : « Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le. » (Mt 3, 17) C’est alors qu’en Jésus-Christ, l’homme apparaissait aux yeux de Dieu tel qu’il l’avait conçu et voulu de toute éternité.
Quand Pilate présentera à la foule haineuse, l’Esprit saint lui inspire de dire : « Ecce Homo, voici l’Homme ! » En effet, Dieu a bâti ce palais immense appelé l’univers et dont Adam n’était qu’une première ébauche. Et quand cloué sur la croix et sentant sa mort prochaine et ainsi mériter pour lui et pour tous les hommes, ses frères, la résurrection et la gloire éternelle, le Christ élève la voix pour annoncer : « Tout est consommé » Il veut signifier par ces termes que toute l’œuvre de Dieu dans la Création est terminée, consommée. Et avant de rendre son âme à son Père, Jésus parle encore pour donner à Jean, sa Mère, la Nouvelle Ève, qui devenait alors la Mère des vivants, parce que la première Ève ne fut qu’une bien faible figure comme Adam qui était roi et prêtre de la Création, ne fut que le représentant du vrai Roi et du vrai Prêtre de la Création qui était le Christ. La grâce sanctifiante dont Adam fut orné à sa création, d’où put-il la recevoir ? La grâce qui est la participation à la filiation naturelle du Verbe ne pouvait découler en lui, comme dans les anges, que de la démarche inouïe que fit le Verbe en s’unissant à sa créature au point de devenir lui-même créature en tant qu’homme. Jésus était trop haut dans le Ciel pour que nous puissions aller chercher dans sa gloire son manteau de Fils de Dieu et nous en revêtir. Il devait s’incarner en devenant l’un des nôtres c a d notre allié et notre frère pour que nous devenions habiles à hériter de sa grâce de Fils de Dieu. Et l’on peut dire qu’Adam et Ève et les anges ne reçurent la grâce comme la Vierge Marie elle-même, qu’en prévision des mérites du Christ. C’est la pensée de tous les saints Pères et Docteurs de l’Église : saint Paul, Tertullien, saint Grégoire de Nazianze, saint Thomas d’Aquin, saint Bernard, saint François de Sales et Bossuet.
Pour Tertullien : « C’est l’argile, c’est la chair qui dans l’homme, élève son regard vers Dieu, qui loue, qui pleure, qui fait pénitence, qui répand les trésors de sa charité, qui verse son sang pour Jésus Christ et qui élève les mains à l’autel pour offrir à Dieu, la Sainte Victime. » Saint Thomas d’Aquin dira : « L’homme est en rapport avec l’ordre intellectuel angélique par son intelligence ; avec l’ordre purement matériel par ses sens ; et il résume en lui en abrégé les conditions de tous les corps et de tous les esprits; Il est à lui seul le monde entier en petit, le résumé du monde. » Et saint Grégoire de Nazianze affirme que « l’homme est une nouvelle sorte d’ange à la fois céleste et terrestre, l’adorateur mystérieux qui élève la Création matérielle. »
Ainsi dans l’homme apparaissait visiblement l’idée de Dieu, l’union de la matière et de l’esprit arrivant par l’homme à relier toute la Création. Ce monde immense était le lieu d’habitation pour ce premier homme Adam et pour tous les anges. Mais Adam n’était qu’une préfiguration, la forme, l’image, le héraut de Celui qui devait venir : le Christ. Et comme dit saint Paul : « Si par la faute d’un seul, la mort a régné du fait de ce seul homme, combien plus ceux qui reçoivent avec profusion la grâce et le don de la justice, règneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ. » (Rm 5, 17)
Par le péché d’Adam, la mort est entrée dans l’homme, mais Jésus par sa mort lui a redonné la Vie éternelle. Tout le mystère de la création de l’homme établi roi et prêtre de l’univers s’explique. Comme l’esprit et le corps étaient unis en Adam formant son être, ainsi dans le Christ, le Verbe de Dieu et l’homme devaient s’unir en la même et unique personne du Verbe. Et comme l’homme résumait en lui toute la création spirituelle et matérielle, ainsi, saint Jean Damascène nous dit : « Le Verbe se fait homme pour unir à lui et vivifier en lui, par l’homme et dans l’homme devenu Dieu, le monde entier ; et ainsi toute l’assemblée des créatures avec un tel roi et un tel pontife s’élève aisément jusqu’au trône de l’Éternel comme un pur encens, comme une hostie digne de sa grandeur. » Et saint Paul résume toute la doctrine de Dieu dans l’œuvre créatrice : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu. » (1 Co 3, 23)

Marie et Jésus dans l’œuvre de la Création
Dieu, en créant le monde pour l’homme et l’homme pour le gérer et le gouverner, a compris qu’à travers le péché originel d’Adam et Ève, il devait le purifier par le don de Marie et le sacrifice de son divin Fils pour le salut de l’homme et la résurrection de l’humanité par la grâce sans cesse accordée par le Fils dans l’Esprit d’amour et de miséricorde.
Par le Christ, les deux mondes : celui de la nature et celui de la grâce sont absorbés dans le monde de la gloire. Ainsi la création, la rédemption, la béatitude éternelle ou encore la nature, la grâce, la gloire : voilà les trois termes de toute l’action, le lien de toutes les vérités, la fin de toute la religion, l’harmonie universelle, la consommation de toute la puissance, de toute la sagesse et de tout l’amour de Dieu dans son œuvre extérieure.
Telle est l’unique raison d’être de la Création car ce n’est que par là que l’ange, l’homme et le monde trouvent leur centre d’unité et que le Père peut affirmer par la bouche de son Fils, le Verbe incarné, qu’il n’y a plus désormais au ciel et sur terre qu’un seul troupeau et un seul pasteur et que selon saint Paul, il n’y a plus entre les enfants du Père céleste qu’un seul corps dont le Christ est la Tête de laquelle tous les membres reçoivent leur organisation, leur vie et leur accroissement. (Ep 4, 15) Et le monde doit se rappeler que « Tout est de lui et par lui et pour lui. A lui soit la gloire éternelle. » (Rm 11 36)
Si la Vierge Marie est la Mère du Créateur, cela est dû au Père qui avait tout préparé en créant l’univers, sachant dans sa préscience la révolte des anges déchus, la désobéissance de l’homme nécessitant l’incarnation et la rédemption de l’humanité possible par le Fiat de Marie. Son OUI à Dieu le Père permettait à son Fils d’épouser notre chair en tout excepté le péché et de sauver l’humanité en réparant par son ultime sacrifice le péché de nos premiers parents.
Comme Jésus est dans le Père Créateur de l’humanité, Marie en lui donnant sa chair lui permet de mourir en croix et de nous racheter. Son Fiat, associé à celui de son divin Fils fait d’elle la Mère du Sauveur et la Mère du Créateur, parce que c’est par son divin Fils uni à son Père dans l’Esprit Saint que le monde fut créé, racheté et sanctifié par la grâce. Le Fiat de Marie a permis la nouvelle création du monde dans la Vérité du Christ, dans le parfait don de soi dans l’amour oblatif et miséricordieux et dans la sanctification permanente de l’homme se faisant par un oui constant à la grâce sans cesse accordée, parce que « là où le péché abonde la grâce surabonde. » (Rm 5, 20)
Sachons nous rappeler que c’est vous, Marie, qui pendant sa petite enfance, avez dû faire l’éducation du Verbe divin. C’est encore de vous que Jésus, qui savait tout comme Dieu, a dû apprendre les rudiments de la vie terrestre. Vous qui êtes la Mère du bon conseil, vous avez conseillé la Sagesse infinie. Mère du Verbe, vous avez appris à parler à l’Enfant Dieu qui est la parole du Père éternel. Vous qui êtes la Mère du Créateur, vous avez appris à contempler l’œuvre divine à celui de qui elle tient son ordre, sa consistance et sa beauté. Comme mère, Jésus vous doit tout dans son éducation humaine reçue avec humilité, et quel exemple il nous donne pour que nous apprenions nous aussi à nous laisser éduquer humblement par sa grâce à devenir des saints à l’école de la volonté divine.

Prions Marie qui défait les nœuds et qui est Mère du Créateur de nous aider à vivre dans cette nouvelle création du monde que Dieu veut édifier dans la vérité libératrice de son Fils, dans l’amour absolu de l’Esprit Saint et dans l’espérance du Salut pour chacun de nous, pour autant qu’il accepte humblement de croire en Jésus son Fils, Sauveur de l’homme et de vivre avec la Vierge Marie et tous les saints dans l’ordre de la grâce, de la vertu, de la sagesse et de la charité qui conduit à la Vie éternelle. Amen

Père François ZANNINI