Comparée à la Vierge Marie, Ève avait la vie facile quand le serpent la tenta, puisque seul son orgueil et sa concupiscence encore latentes étaient en cause. Elle n’était pas poussée par la souffrance à chercher un soulagement dans les distractions du plaisir ou du pouvoir comme nous le faisons, hélas, si souvent. La Sainte Vierge, que l’on appelle la nouvelle Ève, se trouva dans une situation bien plus difficile, car elle dut traverser des souffrances immenses, qui lui brisèrent le cœur, et qui, de surcroît, semblaient n’avoir aucun sens.
Debout sous la croix, voyant son Fils divin mourir pendant que les curieux tournaient en dérision leur Sauveur, elle vivait une nuit de l’âme dont nous ne pouvons sonder les profondeurs. En comparaison avec celle-ci, la plupart des autres nuits spirituelles ne semblent qu’être une légère brume. Et pourtant, elle ne chuta pas, ne douta point, et ne perdit pas espoir, en dépit du fait que le Christ ait été exécuté comme un criminel quelconque.
La Vierge Marie face à la souffrance
Le plus souvent c’est leurs souffrances qui mènent les hommes à rejeter Dieu. Bien entendu, l’orgueil y joue un rôle, ainsi que les plaisirs désordonnés dont nous devenons si facilement esclaves. Mais tout chrétien se heurte contre le malheur. Sa première réaction est de se demander : « pourquoi moi ? ». Pour être suivie de « qu’ai-je donc fait pour mériter cela ? » On s’attend à ce que Dieu nous console dans les pires moments que nous vivons et qu’Il nous montre le sens de ces tragédies qui semblent avoir rendu impossible tout bonheur terrestre. Et pourtant, Dieu nous parait souvent absent dans ces instants (en vérité, sa présence est tellement lumineuse que notre âme en est aveuglée). La tentation est grande alors de se passer de ce Dieu qui nous échappe et de chercher son salut dans la rébellion qui peut être dirigée soit contre d’autres êtres humains (qu’ils soient responsables de mon malheur ou non) ou contre Dieu Lui-même. Car la rébellion – étant une forme de colère – anesthésie notre douleur, la propulse hors de notre cœur et la décharge sur un bouc émissaire , tout en nous donnant un faux sens de notre soi-disant vertu. Et le parfait bouc-émissaire est Dieu, car Il ne riposte jamais.
Nos blessures et notre colère nous entraînent vers le mal, souvent sans que nous n’en soyons conscients. C’est une réaction si naturelle et si compréhensible et tellement plus facile que de supporter la souffrance devant le silence de Dieu ! Quand le Christ sur la Croix demanda son Père de pardonner aux hommes puisqu’ » ils ne savent pas ce qu’ils font » , Il pensa – je crois – en partie à cela. Mais si nous faisons notre demeure dans la colère, cela nous mène à notre perte. Nous nous enfermons dans l’enfer de notre rébellion pour éviter de ressentir la souffrance, mais ceci nous sépare de la seule chose qui pourrait guérir nos blessures lancinantes – l’Amour du Dieu trinitaire.
Notre-Dame des Douleurs
La très sainte Mère de Dieu nous montre comment se comporter dans le malheur, elle qui était au pied de la Croix. Voir son fils mourir- son cœur transpercé par le soldat Romain- et être déposé ensuite sur ses genoux a dû lui briser le cœur d’une manière si profonde que nous pouvons à peine comprendre. Mais ces souffrances n’ont pas été les seules qu’elle eut à subir : la prophétie de Siméon lui annonça que son cœur allait être percé et que le Christ serait rejeté ; elle dut fuir en Égypte pour sauver l’enfant Jésus d’Hérode, plus tard elle le perdit pendant trois jours pour le retrouver au temple et finalement elle le vit porter sa Croix pendant la via crucis. Ces épreuves sont les autres souffrances généralement incluses parmi les sept peines de Notre-Dame des Douleurs. Mais on peut en penser à d’autres : de n’avoir pas pu parler avec Joseph au sujet de la conception de Jésus puisque ce secret n’appartenait qu’à Dieu, bien que voyant sa peine et son incompréhension ; de donner naissance à Jésus dans une étable puisque personne à Bethléem voulait les accueillir pour apprendre plus tard la douloureuse nouvelle du meurtre des Saints-Innocents ; la mort de Joseph qui avait été tel soutien et qu’elle aimait profondément ; le fait de voir le nombre de personnes rejeter le Christ, pensant qu’Il était possédé ou fou ; d’apercevoir les atteintes à sa vie, et de voir Judas se détourner et finalement trahir Dieu Lui-même. Que de peines !
Voici des moments dans la vie de Marie que nous pouvons méditer, car ils nous montrent comment se comporter dans le malheur, spécialement quand nous n’en comprenons pas son sens, en gardant les yeux fixés sur Jésus et en unissant notre cœur au sien. Donnons à Marie nos blessures, qu’elles soient causées par nos péchés, celles des autres ou tout simplement par des évènements tragiques, pour qu’elles ne deviennent pas des nœuds de ressentiment, de la rébellion ou de la colère. Et s’ils sont déjà fermement noués, alors elle les démêlera et adoucira notre cœur par l’Amour de son Fils ; elle nous enseignera à aimer non seulement en dépit, mais à travers eux. Le Cœur du Christ devait être percé pour laisser sa compassion envelopper le monde entier. Si nous permettons que le nôtre soit brisé plutôt que raidi, alors nous pourrons nous unir à Lui, nous en sortirons consolés et notre peine portera des fruits.
Marie qui défait les nœuds , priez pour nous !
Marie Meaney, Sept. 11, 2018
Source iconographique: https://fr.wikipedia.org/wiki/La_D%C3%A9position_de_croix_(Giotto)#/media/File:Giotto_di_Bondone_009.jpg