Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur », s’exclame Élisabeth sous l’action de l’Esprit Saint, lors de l’épisode de la Visitation (Luc, chapitre 1, 39-56). Cette parole résonne en nous comme une nouvelle Béatitude, offerte à la Vierge Marie, qui en réalise l’accomplissement. L’article s’efforce d’entrer dans le mystère de cette foi de la Vierge Marie, dont nous demandons la grâce.

La Vierge Marie, miroir d’une foi toute pure.
La parole prononcée par Élisabeth lors de la rencontre que nous célébrons sous le nom de Visitation (visite de la Vierge Marie à sa cousine Élisabeth, qui attend son premier-né, malgré son grand âge) sonne comme une Béatitude. Cette parole, prononcée sous l’action de l’Esprit Saint) répond à celle de l’ange qui fait l’éloge de Marie « pleine de grâce », lors de l’Annonciation. La grâce de la foi –dont est comblée Marie- lui a permis de répondre de tout son être à l’élection de Dieu, et d’enfanter Celui qui est notre Sauveur. De plus, cette parole de bénédiction précède et préfigure celle que Jésus prononcera lors de l’épisode de st Thomas l’Apôtre, rapportée dans l’évangile de st Jean : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » (Jn, 20, 24 sqq)
La Vierge Marie réalise sur terre le fruit d’une foi pure : en acceptant d’être la mère du Fils de Dieu, elle concrétise cet acte de foi qui va permettre le salut du monde.

Une foi conforme à la raison
Nos catégories mentales, qui ont l’habitude de raisonner d’après ce que les sens nous donnent à expérimenter, répugnent à croire ce qui ne s’appuie pas sur une réalité tangible. L’épisode de st Thomas l’Apôtre, qui refuse de croire les autres apôtres parce qu’il n’a pas encore vu ni touché le Christ ressuscité, est pour beaucoup de gens aujourd’hui l’occasion d’affirmer : « je ne crois que ce que je vois ».

Cette pente naturelle est amplifiée à l’échelon collectif. Notre époque, qui se veut héritière des philosophes des Lumières, est embourbée dans un rationalisme étroit, qui refuse de tenir compte des réalités spirituelles. Pourtant, il est un fait, il est raisonnable de penser –ce que fait d’ailleurs le grand écrivain Montaigne dans ses Essais- que « nous avons la vue raccourcie à la longueur de notre nez » … Il est donc nécessaire à toute personne qui cherche un sens à sa vie de lancer son filet dans des eaux plus profondes, et d’inverser cette logique première, pour entrer dans une logique de foi, plus intéressante.

Or, à ce sujet, il y a dans l’Église deux courants de pensée qui coexistent : l’un affirme la puissance de la raison pour mener à la foi, l’autre souligne l’impuissance de la raison devant le mystère. En Occident, ces eux courants de pensée sont représentés l’un par st Thomas d’Aquin, théologien et philosophe du XIIIès, l’autre par St Anselme de Cantorbéry autre grand théologien du XIès.

Celui-ci nous explique sa façon de penser dans le Proslogion, qu’il écrivit pour démontrer l’existence de Dieu : « je ne cherche pas à comprendre d’abord pour croire, mais je crois d’abord pour m’efforcer ensuite de comprendre. Car je crois une chose : si je ne commence pas par croire, je ne comprendrai jamais ». le but de st Anselme n’est pas, bien sûr, de maintenir dans une ignorance, mais de mettre la raison à sa juste place. Cette formulation répond en quelque sorte à ce « je ne crois que ce que je vois », qui n’a pas beaucoup de sens. st Anselme propose un autre mode de raisonnement, que l’on pourrait formuler ainsi : « je crois ce que je ne vois pas ».

Vie spirituelle, vue spirituelle
Il est donc nécessaire de transformer notre manière de penser, conforme à une « courte vue », pour entrer, avec les yeux de la foi, dans le mystère. C’est cette grâce que nous demandons dans le Rosaire, lorsque nous en méditons le premier mystère glorieux : celui de la Résurrection. Cette grâce transforme peu à peu notre vue : l’éveil à la vie spirituelle développe les sens spirituels, la vue spirituelle.

Que la Vierge Marie, modèle de toute foi, nous aide dans ce chemin de conversion du regard. Que Marie qui défait les nœuds  dénoue en nous tous ceux qui sont liés au doute, à l’incroyance, voire à l’athéisme. Ainsi, nous marcherons, comme le dit st Paul (2Cor 5 :7) par la foi et non par la vue, et nous réaliserons cette parole de ste Thérèse de Lisieux, docteur en science de l’Amour : « Nous n’avons que cette vie pour vivre de foi ».

Isabelle Rolland

Pour en savoir plus :

sur st Anselme de Cantorbéry

Sur st Thomas d’Aquin

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