Comme vous le savez, il n’est pas toujours facile de défaire un ‘nœud,’ à tous les sens du terme: qu’il soit d’ordre matériel (au sens propre du terme: un lacet de chaussure, par exemple…) ou  d’ordre psychologique ou spirituel (au sens figuré du terme). L’article évoque toutes ces dimensions, et nous donne la méthode que st Irénée nous a transmise pour dénouer les nœuds.

Les différents sortes de nœuds

Il est de ‘bons’ et de ‘mauvais’ nœuds. Certains sont en effet utiles, voire indispensables. impossible de naviguer si l’on ne sait pas faire un noeud d’arrêt, d’assemblage ou d’amarrage (nœud de chaise, par exemple) . Savoir faire un nœud peut même être un art: un beau noeud de cravate demande un apprentissage et a une fonction décorative. De même, le nœud ‘bunko du costume traditionnel japonais est ornemental  et exige un savoir-faire impressionnant!

Mais il est des nœuds qui nous empoisonnent l’existence: défaire un nœud trop serré sur une ficelle mouillée, par exemple, risque de mettre nos nerfs à l’épreuve…

La même distinction peut s’établir dans l’ordre psychologique ou spirituel, au sens figuré du mot ‘nœud’. On parlait autrefois des ‘nœuds sacrés ‘du mariage, versant positif du terme qui désigne les liens tissés entre personnes. Bossuet, dans son 2è sermon sur la Compassion de la Vierge, emploie même ce terme à propos du Christ, qu’il surnomme « nœud des affections du ciel et de la terre ».

Mais c’est dans son aspect négatif , péjoratif, que le terme « nœud » au sens figuré est le plus employé: on parle de ‘nœud gordien’ pour désigner une difficulté que l’on ne peut résoudre, on parle de ‘nœud’ d’un problème, etc.

Le ruban de notre vie n’est en effet pas si lisse que nous le souhaiterions. Parfois, il s’emmêle, s’enchevêtre, s’empêtre, s’entortille, s’embrouille, s’emberlificote à la moindre occasion. Et que dire, lorsque nous le laissons, par négligence ou naïveté, s’embobiner ou se laisser embobiner…

Le mystère des nœuds

Shakespeare nous le dit dans l’une de ses pièces1:

« La trame de notre vie est composée de bien et de mal. Nos vertus seraient orgueilleuses, si nos fautes ne venaient pas les fustiger, et nos crimes désespérés, si nos vertus ne les compensaient pas ».

Il est impossible de ne pas être confronté à toutes sortes de « nœuds »: soit que nous les fabriquions nous-mêmes, par nos caractères, nos modes de vie, nos travers, ou que la vie nous les fabrique. Le mot « problème » (pro-blèma) en grec a deux sens: quelque chose qui est jeté devant nous et nous empêche d’avancer, ou quelque chose que nous jetons devant nous pour nous empêcher d’avancer… l’ambiguïté n’est pas si simple à résoudre dans le secret des cœurs.

Et bienheureux sommes nous, si nous n’avons qu’à défaire un seul « nœud » à la fois. Bien souvent, ils vont de pair, jusqu’à former un véritable lacis, comme sur le tableau de Johann Melchior Schmidter représentant Marie qui défait les nœuds dont nous voyons la reproduction ci-dessus.. Dans ces empêtrements on peut d’ailleurs souvent reconnaître les ‘nœuds’ formés par le Malin.

Dénouer les nœuds, avec st Irénée comme guide

De même qu’il faut user de patience pour dénouer les nœuds ‘matériels’, de même, notre prière doit se faire patiente. Saint Irénée (IIès), devenu récemment Docteur de l’Église, nous livre une méthode qui donne à penser: voilà ce qu’il explique, à propos de l’histoire biblique et du premier « nœud » de la désobéissance d’Adam et Eve (le péché originel):

« Ce qui a été lié ne peut être délié que si l’on refait en sens inverse les boucles du nœud, en sorte que les premières boucles soient défaites grâce à des secondes et qu’inversement les secondes libèrent les premières : il se trouve de la sorte qu’un premier lien est dénoué par un second et que le second tient lieu de dénouement à l’égard du premier. »

C’est ainsi que st Irénée, premier grand théologien, pose la notion de l' »économie du salut », avec les figures du Christ « Nouvel Adam » et de la Sainte Vierge, « Nouvelle Eve », dénouant le nœud formé par Adam et Eve sur le ruban de l’histoire de l’humanité.

La Vierge Marie, celle qui défait les nœuds

De même que, dans l’histoire du Salut, la Vierge Marie a dénoué par son obéissance les nœuds formés par la désobéissance d’Eve, de même, celle qui est notre mère aide chacun et chacune d’entre nous à dénouer les nœuds liés à notre histoire singulière. La Vierge Marie est ouvrière, à l’œuvre avec nous et en nous.

N’ayons pas peur de lui confier le ruban de notre vie. Elle nous fournira le moyen de faire en sens inverse, comme le dit st Irénée, les boucles de chaque nœud, dans la patience et dans la prière, afin de nous libérer de ces nœuds qui empoisonnent notre existence et emprisonnent notre liberté.

Isabelle Rolland

1« Tout est bien qui finit bien »( acte IV, scène 3)

 

 

 

Nœud en huit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

st Irénée, évêque de Lyon (IIè siècle)

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