La clémence et la justice s’allient parfaitement dans le cœur divin. Cependant, elles ne se révèlent à nous qu’à travers des voies mystérieuses qui déconcertent notre foi. Si Dieu est miséricordieux, il est juste également et rendra à chacun selon ses œuvres. Marie est la miséricorde parce que Mère des hommes, elle a coopéré toute sa vie à la vie de son Fils, en pardonnant tout le mal qu’on lui a fait et qui a transpercé son cœur de femme et de mère.
Régnant avec son divin Fils, elle continue à implorer la miséricorde de son Fils pour le salut des hommes et le pardon de leurs fautes inlassablement renouvelées.

La clémence de la Vierge Marie
Marie nous révèle durant sa vie terrestre une profonde clémence, et découvrons-la à travers les évènements de son existence.
C’est à l’Annonciation que se manifeste le premier acte de clémence de Marie. Dès cet instant, elle se trouve unie et comme identifiée à la clémence du Verbe, devenu chair de sa chair, et sang de son sang, respirant de son souffle et vivant de sa vie ; elle est le trône vivant et animé de notre pardon, de notre expiation, de notre espérance unique, car non contente de lui avoir donné une fois la vie, elle la nourrit, la développe et la parfait dans son Fils de sa propre substance.
La clémence du Fils est fille de la clémence de la mère, elle est son fruit, son bien, sa gloire ; c’est d’elle qu’elle tire son parfum, sa beauté, son efficace vertu, car ce n’est que comme fils de la Vierge, que le Fils du Père devient notre Sauveur. La clémence de Jésus lui est si bien identifiée qu’au premier retentissement de sa parole, la grâce qui en elle s’échappe en torrents sur Jean Baptiste, sur Élisabeth et sur Zacharie, et qu’elle-même, voulant chanter la miséricorde de Dieu, qui de son sein, doit s’épandre si abondamment d’âge en âge. Cette miséricorde divine chante en même temps ses propres miséricordes, à cause desquelles elle accepte d’avance toutes les bénédictions et tous les élans de la reconnaissance de tous ceux qui de ses mains recevront tour à tour les largesses infinies de sa divine clémence.
Dès lors, les deux grandes âmes et les deux grands cœurs de Jésus et de Marie, du Fils et de la Mère, ont embrassé d’une même étreinte et avec un même héroïsme, cette carrière d’humilité, de charité et de sacrifice qui, partant de Bethléem, ne s’arrêtera qu’au bout de leur commun martyre : celui de la croix où Marie aura aussi son cœur transpercé de douleur par le cœur transpercé de son divin Fils.
Le deuxième acte de clémence de Marie, notre Mère, est le don du Sauveur au monde qu’elle a enveloppé de langes, couché dans la crèche de l’étable pour nous révéler qu’il sera désormais la nourriture de tous.
Venez bergers et mages adorer votre Dieu, devenu votre frère, sur ce trône de miséricorde qui est le cœur de sa mère. Ne craignez pas, c’est une humble Vierge qui vous attend, qui vous appelle, qui vous sourit en présentant aux baisers de vos lèvres, ces pieds et ces mains divins qui seront bientôt, hélas ! percés de clous sur la croix pour votre salut.
Ne voyez-vous pas comme le cœur de Marie est uni à celui de son Fils pour vous bénir et répandre sur vous toute grâce ?
Vous n’oublierez jamais cette expression de clémence infinie et de miséricordieuse tendresse qui brillait sur le front et dans les yeux de la glorieuse Vierge quand elle vous montrait son doux Fils.
Ce souvenir accompagnera toute la vie des bergers et des mages, et aussi notre vie, et la remplira de douceur et comme d’une extase de confiance en la bonté de cette admirable et si généreuse Mère.
Loin d’appauvrir le cœur de Marie, le don de Jésus au monde n’a fait que l’enrichir. Si un bienfait est précieux pour celui qui le reçoit, il l’est plus encore pour celui qui le rend, car il consacre, dilate et ennoblit son cœur et cela est vrai surtout quand il s’agit du don de l’infini. Marie, après avoir reçu son divin Fils, l’offre aux bergers et aux mages en adoration puisqu’il est Dieu. Mais elle ira plus loin encore dans un troisième acte de clémence.
Ce troisième acte de clémence de Marie est la consécration de son Fils à Dieu au Temple. Elle va le consacrer à Dieu son Père comme la Victime innocente pour les péchés du monde. Elle sait assez qu’il est le Messie, le Christ, le Sauveur, l’Hostie qui doit remplacer toutes les autres. Marie marche droite et ferme portant ce doux fardeau ; elle gravit les marches du Temple tout en écoutant murmurer à ses oreilles et retentir dans son cœur, les échos de la voix de Jérémie racontant d’avance les douleurs, la plaie et la mort de l’Agneau divin.
Elle franchit le seuil du Temple et va directement au prêtre, et Siméon est là aussi, qui reconnaissant aussitôt le Christ et sa mère, prédit les contradictions qui accueilleront leur héroïque amour, en même temps que le glaive de douleur qui transpercera son cœur si aimable et si dévoué. Du cœur de Marie un seul cri s’élève. Il est tout intérieur, c’est le cri du sacrifice et de la reconnaissance car elle sait qu’il lui faudra s’immoler avec celui qu’elle aime, et elle répète au-dedans d’elle-même ce cri qui s’échappe aussi du cœur de Jésus : « Oh ! Quand viendra donc l’heure de cette immolation définitive ? » C’est le cri sublime de clémence et de miséricorde pour les pauvres pécheurs dont elle se sent déjà la mère, tant elle sait bien que c’est pour être leur mère qu’elle est la mère de son divin Fils. C’est le cri de l’amour tout puissant qui monte vers Dieu comme les prémices de celui du Calvaire qui offrira aux hommes la réconciliation universelle.
Le quatrième acte de clémence de Marie se produit à Cana. Jésus veut montrer au monde combien sa Mère sera l’instrument de son infinie tendresse pour ses frères, non seulement pour les biens de l’âme, mais encore pour les faveurs temporelles. Il veut nous montrer que Marie est notre vraie Mère, occupée à sécher nos larmes et à apaiser nos chagrins d’où qu’ils viennent. Commençant sa vie publique, il inspire à sa Mère cette compassion pour les jeunes époux qui l’ont invitée à la noce et son intervention en leur faveur. Il accomplira la demande de Marie pour consacrer avant tout le privilège et la toute-puissance qu’elle a sur son cœur. Et il fera son premier miracle.
Mais c’est surtout au Calvaire que la clémence de Marie se manifeste dans tout son éclat. Depuis longtemps elle avait fait le sacrifice de son Fils à Dieu Trinitaire qui l’avait accepté. Face à la croix et à l’immense souffrance de Jésus agonisant, elle souffre avec lui et ressent dans son âme, son cœur, mais à l’infini, toutes les douleurs, les compassions qu’ont pu ressentir un saint Paul, un saint François d’Assise, une sainte Catherine de Sienne, une sainte Lydwine, un saint Padre Pio, qui à force de contempler Jésus crucifié, ont reçu les stigmates dans leur corps. Marie souffre à elle seule, plus que toutes ces âmes n’ont jamais pu souffrir ensemble, car elle avait dû avoir toute la plénitude des douleurs du Crucifié, comme elle a eu toute la plénitude de sa grâce. Mais elle souffre debout sans se plaindre, car elle n’est pas seulement Mère du Christ, mais elle est là surtout comme Mère des hommes à qui elle leur pardonne avec son Fils, les péchés de tous les temps.
Le cinquième acte de clémence de Marie est la formation des Apôtres avant la Pentecôte, pour les préparer à recevoir l’Esprit Saint et partir évangéliser le monde avec l’enseignement du Christ parachevé par celui de Marie. Cette grâce d’achever l’œuvre commencée et préparée, c’est à Marie que Dieu donne le ministère de l’attirer sur ses enfants. Le Saint Esprit qui ne se laisse attirer que par la prière, et il n’y avait que la prière de Marie, son épouse, qui pouvait le ravir. En elle, il avait déjà réalisé le miracle de l’Incarnation et il résidait chez elle comme dans son sanctuaire. Voilà pourquoi les Apôtres étaient avec Marie, unissant leur prière à la sienne. Marie prie avec ferveur et foi et avec tant d’ardeur et d’efficacité, que le Ciel s’ouvre enfin en grand et sous l’apparence d’un vent tempétueux et d’un torrent débordant en flots tumultueux. L’Esprit Saint descend, inondant les âmes, les cœurs et les esprits. Marie apparaît au-dessus de cette glorieuse assemblée comme la Mère de l’Église de Dieu qui est sa fille bien-aimée avec ses phalanges d’apôtres, de martyrs, de docteurs, de pontifes, de confesseurs et de vierges.
Ce fut le dernier don de clémence de Marie sur terre et dans celui-là, sont compris tous les autres se succédant jusqu’à la fin des siècles. Ses enfants ont reçu le Saint Esprit, mais Dieu veille sur eux jusqu’à ce qu’ils puissent marcher seuls. Voilà pourquoi au lieu de rejoindre au Ciel son divin Fils, Marie va rester encore de longues années au sein de sa nouvelle famille, afin de les protéger, de les couvrir de ses ailes et de les réchauffer de son immense amour et de les imprégner de ses célestes enseignements. Elle quittera la terre quand l’Église bien formée pourra se suffire à elle-même. Elle se résignera à quitter la terre quand elle aura la certitude qu’au Ciel, elle pourra continuer sa mission maternelle. Du haut du Ciel, depuis son Assomption, Marie continue à prier pour nous, à intercéder pour nous, à sécher nos larmes, à écouter nos supplications, à apaiser nos peurs et nos angoisses et toutes les souffrances de notre vie, par ses grâces accordées et tous ses encouragements discrets mais permanents.
Tel est le cœur de Marie par la volonté de Dieu, la source de toutes les miséricordes pour tous ses enfants.

Prions Marie qui défait les nœuds de venir avec toute sa clémence, nous accorder la force pour demeurer fidèles à la grâce de son Fils, pour nous consoler dans le désespoir et les croix trop lourdes, et enfin pour reprendre la route après la chute, sûrs de la victoire si elle nous prend la main et marche à nos côtés pour nous conduire au Ciel. Amen

Père François Zannini

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