St Louis fut un si grand roi que le XIIIès porte son nom : on l’appelle le siècle de st Louis. En effet, c’est en quelques 40 années de règne (1234-1270) qu’il fit de la France le cœur de la Chrétienté et suscita le rayonnement de l’art médiéval, au point que l’on construisait par exemple ‘à la manière française’.
Il réalisa ainsi le rêve de sa mère, Blanche de Castille, qui avait longuement prié la Vierge Marie de lui donner un fils qui fût digne, par ses vertus, de porter la couronne du roi de France. Son père, Louis VIII dit ‘Le Lion’, avait lui-même une grande dévotion à la Vierge Marie. Dans son testament, il avait en effet souhaité que l’on vendît sa couronne et ses bijoux pour construire un monastère dédié à la Vierge Marie, vœu qui fut accompli par son épouse.
Le siècle de st Louis fut donc un siècle marial. La grande dévotion de st Louis et de sa famille à la Vierge Marie, mais également l’influence des Dominicains et des Franciscains, qui conseillèrent st Louis dans sa foi et firent évoluer l’image de la Vierge Marie et la mariologie: on vit ainsi grandir, dans cette société hiérarchisée, la place de Marie : on la place désormais avec le Christ, dans le ciel. C’est pourquoi on célèbre davantage la gloire de la Vierge Marie, son couronnement, plus que son humilité : elle est ainsi honorée comme Reine plus que comme servante ; elle est également honorée comme Mère. La figure d’Ève s’efface devant celle de Marie, la Nouvelle Ève, la pesanteur de la faute s’allège dans l’espérance du salut, cette espérance se traduisant dans l’art gothique, dans l’architecture, comme dans l’ensemble des arts, et s’incarnant dans les représentations de la Vierge Marie.
L’article met en lumière la place que st Louis donna à la Vierge Marie en ce siècle d’or de la Chrétienté médiévale.

Un roi issu de la prière du Rosaire
St Louis fut le fruit d’une longue prière adressée à la Vierge Marie. En effet, sa mère, la reine Blanche de Castille, affligée de n’avoir pas d’enfant, avait rencontré st Dominique, venu la saluer à Paris. Celui-ci l’avait exhorté à prendre la Vierge Marie pour médiatrice, à réciter le chapelet et à le faire réciter aux personnes pieuses de la Cour. Il avait lui-même prié à cette intention. C’est ainsi que naquit, le 25 avril 1214, celui qui deviendra Louis IX à 12 ans, sous la forte régence de sa mère pendant sa minorité. La reine Blanche de Castille, à la fin de sa régence, laissa à son fils un royaume pacifié, et continua d’exercer une autorité spirituelle et une régence intermittente, jusqu’à sa mort, conjointement à son fils.

Un saint roi
Louis IX, qui fut canonisé en 1297 par le pape Boniface VIII, fut un roi chevalier très pieux. De grande taille, blond, il avait hérité de la beauté de sa grand-mère Isabelle de Hainaut. Il était cependant d’une santé fragile, aggravée par des pratiques ascétiques (mortifications, jeûnes, etc). Assoiffé de charité et de justice, il faisait distribuer des vivres aux malades, aux lépreux, aux mendiants, multipliant les fondations hospitalières à Paris et aux environs (‘Les Filles-Dieu’ pour les prostituées, ‘les Quinze-Vingts’ pour les aveugles, les hôpitaux de Pontoise, Vernon et Compiègne pour les malades. Son extrême bonté s’exerçait également dans son désir de faire régner la paix : ‘bénis soient les apaiseurs’, avait-il coutume de dire. Il travailla ainsi à la pacification en signant par exemple avec les Anglais le ‘Traité de Paris’ (1259), qui mit fin au conflit entre les Capétiens et les Plantagenêts, et intervint même en qualité de médiateur, pour départager le roi d’Angleterre Henri III et ses barons révoltés (‘Mise d’Amiens’, 1264). Ce profond désir de paix ne l’empêcha pas de « donner de l’épée dans le ventre » aux ennemis irréductibles de la Chrétienté, en particulier lors des Croisades (7è et 8è croisades). Il cherchait ainsi à réaliser l’idéal défini par les Miroirs des princes (traités d’éthique destinés aux chefs d’Etat), genre littéraire très en vogue dès l’époque carolingienne, dont Charlemagne fut l’un des modèles.
Soucieux de faire régner un ‘ordre moral’, il fit en sorte de réparer les injustices royales, rendant de multiples ordonnances régissant les devoirs des officiers. Il entreprit la réforme des mœurs (prostitution, jeu, blasphème, etc.), et exalta la justice, qu’il faisait rendre très fréquemment en se rendant lui-même sous un chêne, à Vincennes. Là, ceux de ses sujets désirant lui parler sans intermédiaire pouvaient exposer leur grief, et celui des membres de son entourage qui avait le pouvoir de rendre justice réglait ensuite l’affaire. C’est ainsi que le roi combinait l’exercice de son pouvoir surnaturel avec le respect des institutions terrestres.

On l’a souvent comparé au roi Salomon de la Bible, pour son amour de la justice et sa sagesse. St Louis est d’ailleurs représenté en Salomon en la cathédrale de Chartres. Salomon était considéré comme une préfiguration du Christ-juge par sa sagesse, parce qu’il fut juge et bâtisseur du temple. Ce vitrail –dont nous voyons la représentation ci-dessus- fait partie de l’ensemble de la rosace du portail Nord de la cathédrale, offert par Blanche de Castille en 1230 : dans l’une des cinq lancettes placée sous la rosace, sont en effet représentés les grandes figures de prêtres et rois de l’Ancien Testament préfigurant le Christ. Ce vitrail de Salomon sous les traits de st Louis se trouve d’ailleurs tout près du vitrail de st Jacques et de celui de Charlemagne, dans le déambulatoire Nord. La cité de Dieu intégrait ses rois, leur légitimité provenant du caractère surnaturel du pouvoir conféré à la monarchie de droit divin.
St Louis fut également un bon gestionnaire : soucieux des finances du royaume, il créa le Parlement et la Cour des comptes. La prospérité économique que connut le royaume sous son règne, ainsi que le rayonnement artistique (art gothique) et intellectuel (éclat de l’Université de Paris) furent inégalés.
Il mourut de la peste à Tunis, en 1270, et fut canonisé à peine 30 ans après sa mort.

La Vierge Marie dans la vie de saint Louis
Si l’histoire de la dévotion mariale , aussi ancienne que le christianisme, s’épanouit dès le XIès en Occident, sous l’impulsion des papes Léon IX, Grégoire VII, et des théologiens et évêques saint Fulbert de Chartres (958-1028) -qui popularisa la fête de la Nativité de Marie- et st Anselme de Lucques, elle évolue encore aux XIIè et XIIIès.
Saint Louis conserva toute sa vie une dévotion particulièrement active envers la Vierge Marie. Dans sa prière quotidienne, il récitait le chapelet en s’agenouillant à cinquante reprises, à chaque ‘Ave Maria’. Tous les soirs, après Complies, il faisait chanter l’antienne de la Vierge Marie et jeûnait lors des Vigiles principales de la Vierge. Tous les samedis, jour traditionnellement consacré à la Vierge Marie, il invitait les pauvres à sa table, après leur avoir lavé les pieds, et leur donnait en les quittant de quoi vivre.

Il effectua de nombreux pèlerinages dans des sanctuaires mariaux, comme le rapporte Joinville dans sa vie de saint Louis : à Notre-Dame de Pontoise, avant sa première croisade, pour consacrer le sort de la France, de son armée et de sa personne. à l’église Notre-Dame de Nogent-l’Erembert (aujourd’hui Nogent-le-Roi), d’où il partit pieds nus vers Notre-Dame de Chartres, avant de partir ; à Notre-Dame-de-Vauvert (Gard), avant de se rendre à Aigues-Mortes et d’embarquer pour Tunis; à Notre-Dame de Rocamadour, avec sa mère Blanche de Castille ; à Notre-Dame-de-Montéglise de Barenton (Manche), etc.

Il fut présent en personne, accompagné de Blanche de Castille, à la cérémonie de la dédicace de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, en 1260 (celle-ci ayant été ravagée par un incendie en 1194).
Blanche de Castille et lui fondèrent des abbayes dédiées à la Vierge Marie : Notre-Dame de Royaumont, en 1228 (Asnières –sur-Oise), pour honorer le vœu de Louis VIII; Notre-Dame la Royale ou Notre-Dame de Maubuisson, en 1242 (st-Ouen-l’Aumône), l’abbaye royale Notre-Dame –du-Lys (Dammarie-lès-Lys), en 1244, etc. Joinville rapporte qu’il participa d’ailleurs à certaines constructions, notamment à Royaumont et en Palestine, portant lui-même les pierres sur les épaules, ces travaux étant considérés comme une œuvre de piété procurant une indulgence plénière.
Sa grande œuvre reste la ‘Sainte Chapelle’, construite sans doute par le fameux architecte Pierre de Montreuil selon le vœu de st Louis, en 1248. Quand la Sainte-Chapelle, cathédrale de verre conçue comme la Jérusalem céleste et comme un reliquaire fut construite au sein du palais royal de l’île de la Cité, pour y recevoir les précieuses reliques de la Passion, achetées à Baudouin II de Constantinople, saint Louis tint à ce que la crypte de la chapelle fût dédiée à la Sainte Vierge. Cette crypte contient des reliques du ‘Saint Lait de la Vierge Marie’.
De même, la statuaire du XIIIès illustre l’évolution de la dévotion mariale, rejaillissant sur l’inspiration des sculpteurs. En témoigne par exemple, la statue de la Vierge à l’Enfant en ivoire, qui appartient au Trésor de la Sainte-Chapelle et est actuellement conservée au Musée du Louvre. Datant de 1260, elle offre l’image d’une Vierge Marie souriante, infiniment mère et tendre, et servit de modèle à d’autres représentations de la Vierge Marie.

Prions saint Louis et la Vierge Marie afin que la France renoue avec l’inépuisable richesse de la tradition chrétienne. Marie qui défaites les nœuds , dénouez en nous, nous vous en prions, ceux du manque de foi, voire de l’agnosticisme et de l’athéisme.

Isabelle Rolland

pour en savoir plus:
sur saint Louis
sur l’art français au temps de saint Louis

6 réponses pour “Saint Louis de France (Louis IX, 1214-1270) et la dévotion à la Vierge Marie au XIIIès”

  • Quel article exhaustif! C’est si rare pour un blog.

    L’auteur nous dévoile avec une fluidité étonnante les liens, à travers temps et lieux, entre Saint Louis, la dévotion Mariale intemporelle et sa concrétisation artistique. On comprend que si la dévotion à Marie qui défait les noeuds avait existé du temps de ce roi, si pieux, il en aurait été l’apôtre convaincu.

    C’est avec grand plaisir que je m’abonne à votre blog qui procure des lectures à la fois plaisantes et intelligentes, avec une foison d’informations et d’associations qui s’enchaînent dans un tout cohérent et facile à lire.

    Que Marie qui défait les noeuds donne longue vie à votre site!

  • Il fallait bien le patronage de Marie qui défait les noeuds pour se lancer dans une évocation de Saint Louis ,un roi a la fois simple dans ses rapports avec ses sujets et à la tête du royaume le plus puissant d’Europe , homme de foi , homme de pouvoir et homme politique dans ce XIIIème siècle où tous ces aspects sont indissociables.Bravo pour m’avoir fait connaitre le côté marial de ce roi et la relique du saint lait de la Sainte Chapelle .

  • article très enrichissant, j’ai appris plein de choses sur saint Louis. Il est clair , simple à comprendre et pourtant très profond et nous donne à contempler les différentes facettes de la personnalité de st Louis. On admire sa volonté de fer, sa sagesse, sa charité en actes et son sens de la justice qui le pousse à poser des règles qui vont éduquer son peuple au respect de l’autre et du miséreux tout particulièrement. On attend de pied ferme la suite concernant sa vie familiale!
    Merci Isabelle!

  • Très intéressant, profond et documenté. Cet article nous fait connaître St Louis sous un nouvel éclairage, en approfondissant certaines facettes de son histoire et de sa personnalité qui nous sont rarement révélées ailleurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *